La Belgique se mobilise pour sauver l’industrie du chocolat : en 10 ans, possible ou pas ?

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Mely
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Fri 23/10/2020 - 17:42

Mettre fin à la déforestation et offrir un pouvoir financier aux producteurs de cacao font partie des objectifs des chocolatiers belges, un défi de taille à relever d’ici 2030. 

Après la création du collectif Beyond Chocolat en Décembre 2018, dont les membres sont issus de la sphère politique, jusqu’aux universités et investisseurs, des actions sont mises en place afin de préserver l’industrie chocolatière. 

La face cachée de l’industrie chocolatière

Bien que l’industrie du chocolat n’ait jamais connu de réelles crises, certaines réalités ne doivent pas être ignorées. Dans la continuité d’une demande qui ne cesse d’être en hausse, surtout lors des périodes de fêtes, les fabricants de chocolats belges n’écartent pas leur conscience pour autant.

Une déforestation massive et dangereuse

En effet le cacao, ingrédient principal du chocolat, est principalement cultivé dans les terres tropicales et humides d’Afrique de l’Ouest. 

Afin de répondre à une demande effrénée, la production de cacao ne connaît pas de repos et engendre la disparition massive de forêts, entraînant de nombreux déséquilibres inquiétants. En plus de représenter un désastre pour la biodiversité, la déforestation modifie les régimes climatiques locaux mettant en danger l’avenir de la culture cacaoyère.

Pour fortifier l’avenir du chocolat, il est nécessaire de préserver et restaurer les espaces naturels existants. Tout cela, en prenant en considération d’autres problématiques pouvant nourrir un système dans lequel tous les facteurs sont liés.

Un revenu vital trop faible pour les producteurs de cacao 

En dehors de l’impact écologique et environnemental, se cache une tout autre réalité beaucoup plus sensible. Derrière la production de cacao s’investissent de nombreux hommes et femmes dont certains font partie de familles productrices. 

En 2019, l’industrie chocolatière belge était approvisionnée par 140 000 et 190 000 familles dont la qualité de vie doit être nettement améliorée. En effet, de nombreux producteurs et familles vivent sous du seuil de pauvreté, couplé à des conditions de travail désastreuses et injustes. Selon un rapport de la Beyond Chocolat, “la pauvreté pousse ces producteurs à convertir de nouvelles terres, souvent dans les zones protégées, entraînant une réduction spectaculaire du couvert forestier en Afrique occidentale et centrale.”, un constat poignant.

De ce fait, les membres de Beyond Chocolate s’engagent à améliorer leurs revenus, en offrant un revenu minimum vital et supérieur au seuil de pauvreté afin de “combler complètement l’écart de revenu vital, c’est-à-dire l’écart existant entre les revenus actuels des producteurs et un revenu vital”, selon leur dernier rapport.

Le travail des enfants : une triste réalité encore d’actualité 

Une autre réalité s’invite à la liste des problématiques : le travail des enfants, un enjeu de taille face à des producteurs soucieux de maintenir leur activité à flot. 

De ce fait, l'élimination du travail forcé/des enfants ainsi que l’extension de la scolarité, sont des objectifs que que le secteur du chocolat belge conserve à l’esprit. Pour cela, les membres de Beyond Chocolate mettent en place trois stratégies bien distinctes afin de relever le challenge. 

Ces stratégies reposent sur le fait de former et sensibiliser les producteurs aux tâches nuisibles pour les enfants. Ensuite, il sera nécessaire de recenser le volume d’enfants travaillant sur les chaînes de production de cacao, avant d’améliorer l’accès à l’éducation en résolvant les problèmes communautaires et individuels. 

Des challenges de taille pour les chocolatiers belges

De nombreuses solutions sont mises en place afin de relever le défi et créer un nouvel équilibre dans la sphère chocolatière. Cependant, certains challenges persistent et amènent les chocolatiers belges à se pencher sur des problématiques intrinsèques. 

Miser sur des certifications durables 

Afin de prêter main forte aux forêts en voie de disparition, des certifications issues d’organisations internationales comme la Fairtrade, la Rainforest Alliance/UTZ et l’Organic/EKO offrent un bon point de départ. 

Ces organisations s’engagent à créer et offrir un équilibre durable au sein de diverses agricultures, tout en assurant des conditions de travail saines et dans le respect des pays en voie de développement. C’est en ce sens que les membres de la Beyond Chocolate s’engagent, afin de restaurer les forêts détruites et préserver les zones naturelles existantes.

Selon le rapport annuel Beyond Chocolate pour 2019, cette démarche semble avoir porté ses premiers fruits. En moyenne, près de 50 % du cacao utilisé en Belgique possède au moins une norme de certification ou un programme de durabilité. Mais une bonne nouvelle ne vient jamais seule puisque 74 % du chocolat vendu sous une marque propre et 97% du chocolat vendu sous une marque distributeur répondent également à ces critères. 

Cependant, toutes ces certifications n’offrent pas le même niveau de protection des forêts et autres espaces naturels, c’est pour cela que chaque certification a été analysée. Il a été constaté que plusieurs d’entre elles, provenant d’Allemagne, du Pays-Bas et de Suisse, réunissaient les mêmes objectifs écologiques et sociaux. De nombreuses discussions ont actuellement lieu afin d’harmoniser cette solution.

Une chaîne d’approvisionnement qui manque de clarté 

En dépit d’une telle avancée, il s’avère que plus de la moitié du chocolat belge reste d’origine inconnue. En d’autres termes, il est impossible de tracer l’origine du cacao présent dans certains chocolats, un élément indispensable pour faciliter la démarche ambitieuse des chocolatiers belges. En quelques chiffres, cela concernerait 50 % des marques de consommation et 62 % du chocolat de couverture. 

Selon Béatrice Wedeux, chargée de politiques Forêts au WWF Belgique, cette problématique est le “principal point aveugle du secteur du cacao, là où se cache potentiellement la destruction de précieuses forêts.

L’épicentre de cette problématique se trouve au coeur de la chaîne d’approvisionnement en cacao. Certains cacaoyers sont cultivés de façon illégale, en vue de vendre le cacao produit à des intermédiaires pour arriver aux négociants internationaux. Ce type d’approvisionnement, de production et de distribution floutent le lien établi entre les producteurs et les fabricants de chocolats belges. 

Selon un rapport de la WWF, “de nombreux signataires de Beyond Chocolate opèrent à l’échelle mondiale, s’approvisionnant en cacao auprès de diverses sources (nombreuses régions productrices de cacao), le cacao étant mélangé et subissant de nombreuses étapes de transport, de production et de distribution de produits intermédiaires et finaux”. 

Enfin, le WWF réclame l'élaboration d'une proposition de loi européenne pour l’année 2021, afin de créer des conditions de concurrence équitables pour offrir une meilleure garantie au consommateurs.

Combien gagnent les producteurs de cacao ? 

Avant d’entrer au coeur de ce challenge et de soulever les questions importantes, il convient de préciser la définition du revenu vital. Le revenu vital est une rémunération permettant d’offrir une qualité de vie décente aux producteurs et leurs familles. Le calcul de ce revenu prend en compte la nourriture, le logement, ainsi que toutes les dépenses essentielles à la vie quotidienne. Les imprévus sont également comptabilisés, mais de façon mineure. 

Bien que l’augmentation de ce revenu soit une priorité pour les fabricants de chocolat belges, les chiffres réels manquent de fiabilité. Selon le rapport de la Beyond Chocolate, “peu de signataires de Beyond Chocolate sont encore en mesure de fournir des données,  lorsque de pareilles informations sont disponibles, elles proviennent en règle générale d’études de cas spécifiques sans lien avec le marché belge".

Pourtant, certaines estimations démontrent que les familles productrices de cacao en Côte d’Ivoire perçoivent 33 % à 46 % d’un revenu vital, ce qui est bien trop faible. Cela se traduit par un revenu moyen de 2390 à 3314 dollars américains par an. Par conséquent, l'objectif du collectif belge repose tout d’abord sur la mesure des revenus actuels des producteurs avant de définir un seuil de rémunération personnalisé.

Bien que le chemin soit encore long, les chocolatiers belges et autres partenaires issus du Beyond Chocolate ne perdent pas de vue leurs objectifs. Mais une chose est sûre, une fois ce but atteint, nous aurons la possibilité de consommer un chocolat belge durable et issu d’un commerce équitable. 

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